Le « 2 décembre » en perspective, analyse de documents
A) Discours de Louis Napoléon Bonaparte
« L’Assemblée est devenue un foyer de complots…je l’ai dissoute et je rends le peuple entier juge entre elle et moi…Mon devoir est de maintenir la République…Si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c’est à dire la France régénérée par la Révolution de 1789 et réorganisée par l’Empire, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je vous demande ; alors la France et l’Europe seront préservées de l’anarchie, car tous respecteront, dans l’arrêt du peuple, le décret de la Providence. »
1) Appuyez-vous sur les mots et expressions du texte pour éclairer les enjeux de l’événement lié au discours (rôle de l’auteur, contexte, faits, issue)
2) En quoi ce texte permet d’identifier la nature du bonapartisme ? (plusieurs idées, cherchez bien)
B) Discours de Gambetta
« Vous n’avez jamais osé dire : nous célèbrerons le 2 décembre comme un anniversaire national. Et cependant, tous les régimes qui se sont succédés dans ce pays se sont honorés du jour qui les a vus naître. Ils ont fêté le 14 juillet, le 10 août ; les journées de juillet 1830 ont été fêtées aussi, de même que le 24 février ; il n’y a que le 18 brumaire et le 2 décembre qui n’ont jamais été mis au rang des solennités d’origines, parce que vous saviez que si vous vouliez les y mettre , la conscience universelle les repousserait. »
Gambetta, 14 novembre 1858 ; discours au tribunal en tant qu’avocat pour défendre un républicain.
1) Présentez le document : auteur, contexte, nature du document et idée générale (exposée très brièvement)
2) Ce discours fait un certain nombre d’allusions à des faits historiques porteurs de sens : éclairez les et regroupez-les en des idées essentielles.
C) Confrontation des deux textes :
qu’y a-t-il de commun et de fondamentalement différent entre le point de vue de Louis Napoléon Bonaparte et celui de Gambetta ?
Corrigé de l’analyse de documents : le « 2 décembre » en perspective
- Discours de LN Bonaparte à l’occasion du coup d’Etat du 2 décembre 1851
Appuyez-vous sur les mots et expressions du texte pour éclairer les enjeux de l’événement lié au discours (rôle de l’auteur, contexte, fait, issue)
- Rôle de l’auteur : LNB évoque son « devoir de maintenir la République » en qualité de président de la République, fonction qu’il occupe depuis décembre 1848 par l’expression du suffrage universel.
- Fait : LNB annule le pouvoir de l’Assemblée (« je l’ai dissoute »), représentation nationale républicaine et s’empare du pouvoir (« consacrant les pouvoirs que je vous demande ») : c’est le coup d’Etat du 2 décembre 1851.
- Contexte : l’auteur se présente comme le garant de l’ordre (« la France et l’Europe préservées de l’anarchie ») ; on peut rappeler le contexte de tension sociale très présent durant la seconde république, qui s’était notamment traduit par la tragédie des journées de juin 1848 (insurrection et répression).
- issue : LNB veut légitimer son coup d’Etat par la voix populaire en recourant au plébiscite (« l’arrêt du peuple, le décret de la Providence »)
En quoi ce texte permet d’identifier la nature du bonapartisme ?
On retrouve dans ce discours les composantes majeures du bonapartisme
- l’origine dynastique lié au nom emblématique du 1er empereur (« la cause dont mon nom est le symbole »)
- une légitimité du pouvoir par la pratique du plébiscite (« l’arrêt du peuple » est « le décret de la Providence » qui se substitue à la monarchie de droit divin)
- un souci de l’ordre (« préservées de l’anarchie ») qui préfigure un régime autoritaire
Le recours à l’expression populaire et à un pouvoir autoritaire se retrouve dans le double héritage historique revendiqué de la Révolution et de l’Empire ( « la France régénérée par la Révolution de 1789 et réorganisée par l’Empire »)
- Discours de Gambetta, 1858
Présentez le document : auteur, contexte, nature du document et idée générale (exposée très brièvement)
L’auteur fut un des chefs de file de l’opposition républicaine sous le IInd Empire (ce discours marque en fait le début de sa carrière politique ; il dira plus tard qu’ il est « rentré par effraction sur la scène politique »)
Le contexte est celui du IInd Empire, période autoritaire. Ce discours qui est une plaidoirie devant un tribunal est une accusation publique du coup d’Etat du 2 décembre 1851, presque 7 ans après les faits : c’est donc un acte politique contre le régime en place.
Ce discours fait un certain nombre d’allusions à des faits historiques porteurs de sens : éclairez-les et regroupez-les en des idées essentielles
- le « 2 décembre » n’est pas « un anniversaire national » : il est fait principalement allusion au coup d’Etat du 2 décembre 1851 mais c’est ici toute la symbolique napoléonienne du 2 décembre qui est visée et en particulier celle des sacres de 1804 et de 1852. La prise du pouvoir par la force que « repousse la conscience universelle » est fustigée par l’évocation du 18 brumaire (1799, NBonaparte s’empare du pouvoir)
- Par opposition aux évènements symbolisant le Bonapartisme, Gambetta met en relief les grandes dates révolutionnaires qui ont marqué la mémoire républicaine : la prise de la Bastille et la fin de l’absolutisme (14 juillet1789), la prise des Tuileries et la fin de la Monarchie (10 août 1792), les « 3 Glorieuses » de juillet 1830 et la fin de la Restauration, la révolution de février 1848 qui a fait naître la IInde République.
Ces évènements traduisent une diversité de régimes (« tous les régimes qui se sont succédés dans ce pays ») mais aussi un progrès des libertés que semble venir interrompre le IInd Empire, selon la logique de Gambetta.
- Confrontation des deux textes :
Qu’y a-t-il de commun et de fondamentalement différent entre le point de vue de Louis Napoléon Bonaparte et celui de Gambetta ?
L’un et l’autre s’appuient sur l’héritage révolutionnaire et s’attachent à une légitimité du pouvoir provenant du peuple.
Mais il n’y a au fond rien de commun entre le bonapartisme qui repose sur la pratique du plébiscite et un pouvoir autoritaire
et l’idéal de Gambetta pour qui seules des libertés et institutions républicaines donnent du sens au suffrage universel.
Défense et réprobation d’un coup d’Etat « légitimé » par le suffrage universel ont ainsi mis en perspective le symbole historique du « 2 décembre »
